Un article de Carole (Paris). Contributrice SOUCAPOEIRA!. Préparez-vous, il y a de la lecture!
Quel capoeiriste un tant soit peu informé aura échappé à la
déferlante qui a inondé Facebook et alimente nombre de conversations ces quelques mois? En cause, le comportement exécrable d’un « mestre » vis à vis d’une femme, en plein « événement féminin », au vu et au su de tous.
Le but de cet article n’est pas de jeter une énième pierre sur le bonhomme déjà bien à terre, ni, bien sûr, de le défendre, mais simplement de profiter de la visibilité de cette affaire pour aller un peu plus loin dans la réflexion et la partager.
Beaucoup s’offusquent que cela se soit produit dans ces conditions, « événement féminin », rien que le nom m’amuse… Loin de moi l’idée de cracher dans la soupe, j’y participe volontiers car on y rencontre plein de nanas géniales et pleines d’enseignements qu’on aurait peut être jamais rencontrées sinon.
Mais, le simple fait qu’il y ait besoin de ce genre d’intitulé devrait nous étonner. Que dirions nous si on nous annonçait un événement « masculin »? Heu…de quoi s’agit-il exactement?
Enfin, tentons de ne pas ouvrir 40 portes de polémique en même temps, le sujet est très vaste.
Ce simple incident, seul, soulève bien des questions.
Premièrement, comme développé dans le texte de Ferradura [http://www.capoeirariodejaneiro.com.br/2017/06/21/violencia-sexo-e-fofoca/]
pourquoi tant de réactions à postériori et rien de vraiment notable le jour même?
Un participant à cette rencontre, étant arrivé un peu après les faits, m’a confié que c’est la première chose qu’on lui ait racontée à son arrivée , que toute la foule bruissait d’indignation et de reproches. Mais qui s’est manifesté ouvertement au final? Même, le lendemain, le fameux mestre aura pu donner son cours, tranquillement, « doux comme un agneaux » , c’est a dire faisant profil bas, certainement conscient qu’il avait largement passé les limites, à moins d’être complètement débile et misogyne.
Laissons lui le bénéfice du doute.
En regardant à plusieurs reprises les images, une chose m’a sautée aux yeux, une mécanique bien connue, que toute femme a dû subir un jour ou l’autre dans la rue. Un homme l’accoste avec des paroles du genre » t’es mignonne », « t’as de beaux yeux » ou je ne sais quelle banalité sans nom, qui, cela dit, peut faire plaisir, si c’est accompagné d’un simple sourire bienveillant et que l’homme passe son chemin sans en attendre davantage. Mais non, vient le sempiternel, « tu lâches ton 06? », auquel on dit non, à priori (dans notre affaire c’est le bisou malvenu et la réponse adéquate). Alors vient la chapa, directe, violente, blessante, repoussante et révoltante, « grosse p****, tu te prends pour une bombe c’est ça? »
Et en plus, on part en ayant honte!
Irait-on serrer la main de l’ agresseur? Peu de chance…
Et tout le monde se demande pourquoi « elle » a fait ça?
Elle a voulu dédramatiser? Elle s’en est voulu de sa réaction, parce qu’on ne donne pas une baffe à un mestre devant tout le monde?! Elle seule sait. Je pense personnellement que c’était même juste un réflexe, parce qu’elle est capoeiriste. Elle a l’habitude, elle connaît ce monde.
J’en ai vu d’autres, ailleurs, sans noter beaucoup plus de réactions.
Ici, un mestre a pris l’habitude de donner une tape sur les fesses des élèves lorsqu’il passe (et pas des barbus bien sûr hein). Les femmes en parlent, se vexent, mais aucune n’ose lui dire quoique ce soit. Certains de ses collègues, potes, pairs (hommes) lui glissent que ça ne se fait pas, surtout s’il s’agit de leurs élèves, mais les vieilles habitudes…
Là, c’est à la fête qui accompagne souvent les workshops, un autre danse avec des filles. Elles sont ravies, elles sont venues pour ça aussi, mais il commence à serrer un peu l’étau, il glisse sa cuisse entre leurs jambes et même, je n’invente rien je vous jure, leur fait bien sentir son émoi, des fois que les femmes (parfois de très jeunes filles!!), n’aient pas compris! Rien ne se passe, le monsieur aura passé une bonne soirée et recommencera ailleurs, avec d’autres, la prochaine fois.
Oui, on vient danser le forró par exemple, qui est une danse à deux, on peut même être collé-serré si on veut, sans que ça n’engage a rien. Mais à partir du moment où cela prend une tournure qui nous déplaît, nous devrions avoir le courage de planter le mec au milieu du « salão » et de dire stop, mestre ou pas.
Bien souvent, c’est aussi la hiérarchie qui freine les réactions. Le respect du mestre ! La poignée de main qui nous a étonnés …
Laisserions nous faire un débutant fraîchement débarqué ? Mon respect doit s’arrêter avec le tien.
Plus grave, il y a ce prof, qui fait boire les jeunes filles et abuse d’elles, fait avéré, répété mais jamais dénoncé. On dissuade les filles d’aller porter plainte. Après tout, elles se sont apprêtées pour la fête , elles se sont amusées, elles ont dansé, elles ont même bu !! Ne méritaient elles pas ce qui a suivi ? Étaient elles vraiment contre ? En tous cas, elles ont honte, culpabilisent. Pour certaines, elles arrêteront la capoeira avec un sentiment de dégoût pour cet art merveilleux qui nous apporte tant par ailleurs.
Ce sont là des exemples graves qu’il faut dénoncer bien sûr, mais au quotidien, il y a des petits détails insidieux, sans vraie gravité, qui devront un jour ou l’autre changer.
Un mestre qui donne une rasteira de toutes se forces à une jeune femme qui s’envole et tombe à plat ventre, de tout son long avant de se relever endolorie. C’est le jeu, ça peut arriver, aux hommes aussi. Mais ce qui suit est pathétique : au moment de se serrer la main, le mestre lui fait comprendre qu’elle n’a pas assuré , elle aurait dû être plus attentive, esquiver (vacilou !). Peut être vrai.
Alors pourquoi aller s’excuser ensuite auprès du mari de la jeune femme, qui lui aussi est…mestre ?
Est-ce lui qui s’est fait mal ? Pense t- il lui-même à envoyer l’autre s’excuser auprès de celle qui est concernée ?
J’entends d’ici les sceptiques s’imaginant que je rapporte des choses entendues, des ragots, alors non, soyons clairs, tout ce que je dénonce, j’en ai été victime ou témoin…
Une amie me faisait remarquer, à juste titre, qu’elle était souvent soulevée et baladée. Elle est mince, toute légère, c’est une femme… Je remarque que c’est une chose qu’on fait souvent aux enfants par exemple. « les femmes et les enfants… »
Sommes nous des enfants ?
Pourquoi le « mestrao » de la polémique actuelle avait il besoin de porter ainsi son trophée avant d’y apposer un baiser comme le font les champions ? S’il avait fait un arrastao à un de ses amis plein de testostérone, il l’aurait jeté au sol aussi sec, il ne l’aurait pas porté et encore moins touché à ses fesses, aucune chance.
Pourtant il s’est senti en droit de le faire et n’a pas aimé se faire remettre à sa place par cette femme, même pas mestra en plus…
On pourrait continuer longtemps avec une liste d’exemples interminable et de situations plus choquantes ou ridicules les unes que les autres mais à quoi bon ?
Le séisme et la réaction en chaîne qu’à causé cette vidéo sont simplement bienvenus. Il y a de tout dans les commentaires, des réactions aussi bêtes que ce qui les a provoquées, des bien-pensants derrière leur écran, convaincus d’être des défenseurs acharnés de la cause féminine, alors que, très certainement, parfois sans même s’en rendre compte, ils sont aussi « coupables » de quelque action machiste encrée dans leurs habitudes ou leur éducation,d’autres, vraiment sensibilisés au sujet, des femmes, révoltées, blasées ou sorties de leur mutisme comme par enchantement, et de vraies revendications, témoignages, prises de conscience. Sans aucun jugement, tout me semble intéressant, (les « condamnations à mort » ou autres menaces mises à part). On en parle, on partage, surtout, on réfléchit , et on aspire à du mieux, chaque jour, un peu plus. L’important, c’est que les consciences s’éveillent.
J’ai presque envie de dire « n’en jetez plus », l’homme en a pris pour son grade (cas de le dire) et s’enterre sans faire entendre ses arguments, si tant est qu’il y a quelque chose à ajouter. Doit il prendre pour tous ? Je ne le crois pas.
Après presque 20 ans de capoeira, je dois quand même dire que la situation a déjà bien évoluée , il faut l’admettre. Ne nous arrêtons pas en si bon chemin !
C’est à nous tous « grands ou petits » de la capoeira d’être vigilants, et, à l’avenir de réagir en temps et en heure.
Mais au-delà de notre petite sphère capoeirisitique , ce peut-il que cet incident nous permette de réagir un peu plus, ou un peu plus vite à ce qui se passe en bas de chez nous avec n’importe quelle femme lambda ?
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