Un article de GPS. Contributeur SOUCAPOEIRA!
Rasteira Malandra #11 – 18/19/20 janvier 2019 – Cordao de Ouro Paris
Depuis plusieurs années, j’entends régulièrement parler de festivals de capoeira dits “féminins”. A l’époque où je m’entrainais du côté de Bayonne avec Ze Galinha & Cuca du groupe Malungos, je me souviens qu’ils se rendaient régulièrement au festival Iuna Voou organisé par Professora Feiticeira du groupe Capoeira Brasil.
A titre personnel, je suis très intéressé par les questions de parité entre les sexes au quotidien et également au sein de la capoeira. L’organisation de festivals dits “féminins” m’a donc interrogé sur l’intérêt de tels festivals, mais également sur les objectifs recherchés par ces derniers. Pour introduire cet article dans lequel je vais évoquer ma présence et mes ressentis au sein du Rasteira Malandra, je pose donc, volontairement, une question simple :
pourquoi organiser des festivals féminins alors qu’aujourd’hui la capoeira est pratiquée par des femmes comme par des hommes ?
Samedi 19 janvier aux alentours de 12h du côté de la mairie des Lilas, alors que la pluie tombe sur la capitale, le festival Rasteira Malandra bat son plein. A deux minutes à pied du métro, au sein du gymnase Liberté construit en 1936 à l’époque du Front Populaire, plus de 80 capoeiristas jouent au son des Berimbaus. Depuis 11 ans, le festival Rasteira Malandra est organisé par les élèves femmes du groupe de Mestre Chicote – Cordao de Ouro Paris, les cours sont donnés uniquement par des femmes mais la participation est mixte.
Cette année, le Rasteira Malandra a choisi pour marraines du festival les Contramestras Joyce (CDO Birmingham) &
Janaina (CDO Munich), élève de Mestre Suassuna, fondateur du groupe CDO. Professora Carol (Biriba Brasil), Professora Natalia (CDO Turin), Professora Feiticeira (Capoeira Brasil), Instrutora Raposa (CDO Birmingham) & Monitora Uma (CDO Lettonie) ont également été invitées à cette occasion. Au total, des élèves de 14 groupes de Grèce, de Lettonie, d’Equateur, d’Allemagne ou encore du Pérou étaient présents pour ce onzième Rasteira Malandra.
Premier ressenti en entrant dans le gymnase et en me glissant dans la roda où se jouaient 6 jeux différents, l’ambiance est agréable, les participant.e.s ont le sourire et je ressens une incroyable intensité dans la salle.
Je prends un premier cours auprès de Monitora Uma qui propose deux exercices qui permettent à la fois d’initier de la convivialité au sein du festival et d’autre part d’apprendre à intégrer dans son jeu des mouvements que l’on aime, mais que l’on ne sait pas encore comment placer d’une manière à la fois harmonieuse et efficace. Le principe est simple : deux ou trois capoeiristas forment un petit groupe, l’un explique aux deux autres quel mouvement il aimerait pouvoir intégrer dans son jeu, les deux autres lui proposent une séquence intégrant ce mouvement, séquence qu’il ne lui reste plus qu’à réaliser sous le regard bienveillant de ses “professeurs” du moment. Une fois la séquence réalisée deux ou trois fois, c’est à l’un des deux autres de faire de même et ainsi de suite…
Après le cours de Monitora Uma, c’est au tour de Professora Feiticeira de transmettre son savoir faire au groupe des élèves avancés. J’ai été particulièrement marqué par la voix de Feiticeira et par sa compétence à transmettre des chants. D’ailleurs Feiticeira, si tu lis ces mots, je suis toujours à la recherche des musiques que tu nous as passé ce jour-là : “Agodile”, ainsi qu’une chanson de ta composition.
Le dimanche, place à Professora Carol
pour un échauffement aussi respectueux du corps que intensif par sa durée. J’avais déjà eu l’occasion de découvrir cet échauffement à l’occasion d’un stage qu’elle donnait avec Professora Faisca. Les échauffements sont quelque chose qui devient de plus en plus central dans ma pratique et je sens que je commence à être réfractaire aux enseignements donnés sans un bon échauffement de l’ensemble du corps au préalable. En effet, les discours que j’ai pu entendre dans la capoeira font souvent la part belle au fait que la capoeira est une course de fond, qu’il s’agit d’un marathon,… Malheureusement, les mêmes personnes que j’ai pu entendre tenir ces propos pouvaient donner un enseignement en suivant sans même passer par un travail d’échauffement.
Pour finir, j’évoquerai une anecdote que nous ont partagé Contramestras Joyce et Janaina lors d’un temps de discussion collectif en fin de journée du dimanche. Au début des années 2000 alors qu’elles étaient encore élèves au sein de l’académie de Mestre Suassuna, elles ont reçu la visite de Mestra Vanessa (Capoeira Raca) qui remarquant l’absence de femmes enseignant la capoeira au sein de l’académie de Mestre Suassuna leur a posé la question suivante : “Pourquoi, alors que vous avez des femmes gradées, aucune femme ne donne de cours au sein de l’académie ?”. Interloquées par la question, CM Joyce et Janaina lui répondent “Bah oui, c’est vrai pourquoi aucune femme ne donne des cours ?” et Vanessa de répondre “C’est bien la question que je vous pose”
Deux semaines se sont écoulées et j’ai du mal à répondre à la question simple que j’ai posé au départ (et je veux bien des avis à ce sujet). Cependant, je peux dire que j’ai trouvé dans ce festival un grand respect donné au corps et à l’esprit : échauffements complets, temps de discussion avec les invitées, jeux multiples et réguliers permettant à chacun.e de jouer et de mettre en pratique les exercices, absence de celles et ceux que j’appelle les “bouffeurs de rodas” – fominha en brésilien – (si, si tu les connais, ceux qui jouent 10 fois dans une roda et qui te passent devant alors que tu respectes la tradition en attendant au pied du Berimbau pour pouvoir acheter le jeu)… Il me semble important de préciser que ce respect des corps et des esprits ne contrevient pas à l’intensité ou encore au côté martial de la capoeira que j’ai pu retrouver tout au long du week-end dans les jeux de contramestras Joyce, Janaina ou encore dans ceux de Estagiera Amazona (Grupo San Cipriano – Angers) mise à l’honneur par Mestre Chicote quelques minutes avant la clôture du festival.
Etant donné qu’il s’agissait, en plus de mon premier festival dit “féminin”, de mon premier festival CDO, il m’est difficile de dire si ce que j’ai ressenti appartient à CDO Paris ou à la présence d’une majorité de femmes (dans l’organisation, dans les professeurs comme au sein des participant.e.s). Cependant je pense que la parité au sein de la capoeira (dans la roda, dans la bateria ou encore au sein des professeur.e.s invité.e.s) va être nécessaire pour que cette dernière continue à se développer et à faire de nouveaux adeptes au risque de se retrouver à la marge d’autres disciplines venues d’ailleurs comme le yoga, autrement plus paritaire.
Pour finir, un grand merci à l’ensemble des organisatrices de ce festival, aux gradées et à la qualité de leurs cours et enfin à l’association CDO Paris – Mestre Chicote dont j’apprécie particulièrement le travail lors de mes passages dans la capitale.
Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ? Proposez une correction à nos secrétaires de rédaction.
Vous avez aimé cet article? N’hésitez pas à le partager!
N’oubliez pas de liker SouCapoeira sur facebook et de nous suivre sur twitter!