Capoeira en France !Histoire(s) de capoeiraSocio-anthropologie

La capoeira, une grande famille? Ce qu’en dit la science…

On parle tous de la capoeira entre nous… et notamment de ce qu’elle veut dire. Mais que se passe-t-il quand des scientifiques s’y intéressent? En partant de la question de la capoeira comme une famille, Laurence Robitaille analyse comment des « communautés affectives » se créent et le rôle de l’affect (les émotions, le partage d’une sensibilité, d’une conscience de soi) dans la valeur économique de la capoeira.

© Professor Deitado 2015

© Professor Deitado 2015

Promis, tout ça est bien expliqué dans l’article, publié en 2013 dans la revue Brésil(s), qui publie par ailleurs de nombreux articles de recherche (en sociologie, anthropologie, et autres) sur le pays. Bonne découverte!

Passages choisis: « J’ai longtemps écouté avec scepticisme un mestre [maître, professeur] parler de son groupe de capoeira comme d’une grande famille. Cette comparaison me paraissait une manière un peu simpliste de séduire les élèves et de les engager sur le plan émotif pour les amener à renouveler leur abonnement. Dix ans plus tard, je me suis retrouvée autour d’une table à l’époque des fêtes avec des étudiants de ce même groupe devenus de grands amis (un peu comme des frères et sœurs), dans un appartement que plusieurs avaient partagé au cours des années. Le groupe d’origine s’était remodelé. Il était maintenant composé de quatre jeunes familles dont les rejetons suivaient chaque semaine des cours de capoeira pour enfants avant la roda. La famille n’était plus une métaphore;et il était désormais clair que la relation entre l’affectivité et le marché ne pouvait être réduite à la simple instrumentalisation des sentiments dans la recherche du profit. Quel trajet a donc été parcouru et qu’en est-il de ces relations ?

La capoeira, un « jeu martial » d’origine afro-brésilienne développé par les esclaves à l’époque coloniale, est maintenant pratiquée à travers le monde. Depuis le début des années 1980, plusieurs Brésiliens ont quitté leur pays, transportant avec eux un savoir corporel de la capoeira et le commercialisant afin de subvenir à leurs besoins dans une économie de marché. »

© by Lucie L.

© by Lucie L.

« La capoeira est porteuse d’une « force affect-ive » qui pousse les élèves à sentir leur corps de façon nouvelle. Cette expérience corporelle doit être prise en compte pour comprendre le phénomène de transformation des élèves, « affect-és » par ces nouvelles sensations. »

« Qui plus est, c’est la présence du corps individuel parmi les autres corps qui fait émerger affects, émotions et sentiment d’intimité (dans cet ordre). La capoeira est une expérience de groupe : ce n’est que lorsque le corps sensoriel est en relation avec tous les autres corps présents que surgissent les affects. Les participants occupent un espace restreint où ils bougent étroitement à l’unisson. »

« Corporéité, affects, sueur et proximité se combinent pour faire naître des liens d’intimité qui s’expriment et se manifestent en émotions intenses. »

« Les affects sont en réalité au cœur-même de la valeur économique de la capoeira, laquelle rend possible son utilisation comme ressource. Dans cette optique, ce ne serait pas tant la capoeira que les individus seraient si enthousiastes à consommer, mais la façon dont celle-ci les amène à se sentir. La capoeira participe ainsi d’une économie de l’affectivité. Les élèves paient pour être « affect-és » ; ou, plus précisément peut-être, une fois qu’ils sont « affect-és », ils sont prêts à payer. »

« Si, pour les élèves, la consommation de la capoeira implique beaucoup plus de niveaux que la simple transaction économique, il en va de même pour la relation des mestres à la mise en marché de leur savoir. Les affects étant des sensations qui naissent dans une dynamique relationnelle, l’échange « affect-if » n’est jamais unidirectionnel. Cet article insiste sur les diverses façons dont les affects contribuent à l’utilisation de la capoeira comme ressource par les mestres. Toutefois, ces derniers ne doivent pas être réduits à de simples sujets calculateurs. Ils participent eux aussi à la communauté affective, bien qu’ils y prennent part sous un angle différent. En fait, ils se situent dans une extension de la structure organisationnelle typique de la capoeira au Brésil, avant même sa trans-nationalisation. L’anthropologue Simone Pondé Vassallo (2001) montre bien, dans sa thèse, que les élèves et les mestres ont toujours été liés par des relations de don et de contre-don qui ne s’inscrivent pas dans une logique marchande mais impliquent plutôt respect, fidélité et obligations mutuelles. Le groupe de capoeira y est aussi présenté comme une famille qui se doit d’être unie pour se définir dans un dense réseau de cellules articulées autour du motif du conflit. « 

Source: Laurence Robitaille, « La capoeira : communauté affective et nouveaux territoires du marché », Brésil(s) [En ligne], 4 | 2013, mis en ligne le 06 avril 2014, consulté le 28 février 2016.

Abstract:

Cet article démontre que la structure transnationale de la capoeira, définie dans une dynamique de marchés, génère une nouvelle forme de « communauté affective ». Je fais appel au concept d’affect pour étudier comment le mouvement et le rythme partagés d’un entrainement de capoeira emportent les individus dans des dimensions inexplorées de leur corporéité. Cette expérience peut être vécue comme transcendante à la relation économique. Je suggère cependant qu’elle est plutôt ce qui permet à la capoeira de conquérir son marché. Les forces du capital s’introduisent dans la subjectivité et les espaces intimes et transforment les affects en valeur d’échange, un processus amplifié par le contexte d’économie de la différence culturelle où l’imaginaire du Brésil en encadre l’interprétation.

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